skip to Main Content

La verticalité urbaine en débat à Toulouse

De gauche à droite : Delphine Le Net (Club de l’Immobilier Toulouse), Érik Orsenna, Jean-Luc Moudenc et Édouard François, devant la perspective du projet de Tour d’Occitanie, dans le quartier Matabiau à Toulouse. Photo : Hubert Vialatte

Faire la pédagogie de la verticalité urbaine, dans une capitale régionale qui s’est construite de façon horizontale – un modèle qui touche à ses limites, vu la croissance démographique et l’exigence de maîtrise de consommation de foncier. Lors de la soirée « Aménagement urbain : vers un autre regard sur la verticalité », organisée ce mercredi 16 mai aux Espaces Vanel à Toulouse par le Club de l’Immobilier Toulouse (présidente : Delphine Le Net), l’écrivain Érik Orsenna et l’architecte-urbaniste Édouard François ont rappelé les enjeux-phares de la verticalité urbaine, celle-ci possédant ses codes et ses risques. « Nécessité de mixité au sein même des tours, avec des logements, des bureaux, des espaces de coworking, des bars, des restaurants, des hôtels…, et l’impératif de connexion à des nœuds de transport et de services » (Édouard François), « humilité face à l’existant et prise en compte en amont d’éléments en apparence anodins, comme l’exposition au vent » (Érik Orsenna)…
Lors de l’exode rural, et à l’afflux d’immigrés dans les années 60 et 70, des tours ont été construits à la va-vite, « pour des gens qui n’habitaient pas en ville. Aujourd’hui, c’est différent, on construit pour des gens qui sont déjà en ville pour la plupart. Ils savent ce qu’est la ville ». La présence de pompiers à demeure au bas des immeubles de grande hauteur a été jugée, par ces deux experts habitués à voyager, comme une aberration française. « Rien ne justifie ce règlement, alors qu’il y a aujourd’hui la télésurveillance, les détecteurs de fumées, les caméras, les alarmes… », a estimé Édouard François.

Volontiers provocateur, face à 150 personnes, Édouard François a alerté sur le dogme de labels : « Un programme peut être HQE, BBC, etc…, et être une pure horreur. La verticalité peut ne pas fonctionner du tout. » Il a invité les décideurs à faire preuve d’innovation, y compris dans le choix des matériaux – comme le retour à la pierre, dans le cadre d’un programme de 80 000 m2 face à la gare de Bordeaux, développé avec Apsys. Érik Orsenna a évoqué l’aménagement du front de Seine ou le boulevard de la Tour-Maubourg à Paris comme contre-exemples (pour leur tristesse et leur monotonie, d’après lui) de verticalité. « Il faut une communication avec la rue, sinon c’est raté. Surtout éviter que les pieds de tour soient déserts. Le traitement du démarrage du vertical est décisif, ainsi qu’une intégration réelle au quartier. » L’écrivain a lâché : « Toulouse ne brille pas par son architecture, et s’est trop reposé sur la manne Airbus », montrant à travers les baies vitrées la Ville rose, s’étalant en contrebas des Espaces Vanel, devant un parterre de promoteurs. Stéphane Aubay, vice-président de la FPI Occitanie Toulouse Métropole et patron de GreenCity, a rappelé la difficulté de faire admettre auprès des riverains la verticalité, même modérée, de certains programmes.

Jean-Luc Moudenc, maire LR de Toulouse et président de Toulouse Métropole, a conclu sur le projet de Tour d’Occitanie. « Notre projet, ici, c’est la Tour d’Occitanie. Cette tour ne sera pas au milieu de nulle part, elle prendra place dans un nouveau quartier. La verticalité doit produire de l’horizontalité, c’est cette complémentarité qui fait l’équilibre du projet. Elle s’intégrera donc dans un nouveau quartier mixte, qui mettra 15 à 20 ans à aboutir. La Tour d’Occitanie sera située dans l’endroit de la métropole le mieux desservi par les transports en commun : gare, métro (deux lignes). Sur le volet environnemental, un ruban végétal enserrera la tour. Ce seul ruban végétal représente un investissement de 3 M€ pour le promoteur. La mixité sera à l’intérieur de la tour : 80 à 100 logements seulement (11 000 m2) sur les 3 000 que comptera le futur quartier Teso, des bureaux (10 000 m2), un hôtel sur 7 000 m2, des commerces, loisirs et espaces de restauration. Nous remplissons donc les conditions exprimées par Érik Orsenna et Édouard François. »
Alors que la demande de permis de construire doit être déposée le 23 mai par La Compagnie de Phalsbourg, la Tour d’Occitanie sera « le symbole d’une nouvelle ambition pour Toulouse, sur le plan économique, pour une extension du centre-ville, pour le signal d’une nouvelle page que nous voulons écrire de l’urbanisme et de l’architecture ».

L’élu a répondu aux opposants du projet et à des rumeurs persistantes de non-réalisation de la Tour d’Occitanie – par des personnalités parfois haut placées, mais sans que ces personnalités précisent si elles s’expriment sur la base d’informations fondées ou en tant que citoyen opposé à ce projet de tour de 150 mètres de haut, ou opposé à Jean-Luc Moudenc tout court. « Ne vous laissez pas intoxiquer par l’ambiance médiatique, a déclaré Jean-Luc Moudenc, qui porte à travers la Tour Occitanie le projet le plus symbolique de son mandat. Je suis frappé, sur ce sujet et beaucoup d’autres, par l’énorme distorsion qui existe entre l’ambiance médiatique et la réalité de ce que les gens vivent et pensent. Nous avons vécu une phase de concertation pour la création de la Zac Toulouse EuroSudOuest. Ça a duré deux mois. Pendant ces deux mois, il y a eu beaucoup de contestations, notamment une réunion, le 13 mars, aux Espaces Vanel, dont je me souviendrai longtemps. Des perturbateurs très organisés ont bousillé la réunion, qui avait attiré 300 personnes. Malgré ce tintamarre, quand on a dépouillé les résultats de la concertation, il y a eu 400 contributions, et sur ces 400, seulement 82 étaient contre la tour. Et sur ces 82, 40 étaient un texte identique. C’est très peu, pour une agglomération de 770 000 habitants…
Autre exemple de cette distorsion : l’enquête publique du PLUI-H, qui s’est terminée le 15 mai, a reçu 1.400 avis. 18 seulement sont défavorables au projet de tour. Bref, le projet est très largement plébiscité par les Toulousains. Ne vous laissez pas manger le cerveau par des ambiances fausses. Mais c’est vrai qu’il y a beaucoup de pédagogie à faire. Les témoignages d’Érik Orsenna et Édouard François doivent être diffusés. On n’a pas fini de faire la ville, de construire. Nous avons le devoir de réconcilier les professionnels de l’acte de construire avec les citoyens.»

Hubert Vialatte / vialatte@lalettrem.net

Back To Top